La RN 10 est historiquement une voie qui traverse les villages, les villes, pour créer des étapes, des relais. On utilise le terme traverser, mais en réalité, la route ne traverse rien. Elle est la destination d’une population qui cherche à vivre du passage des usagers de la RN 10.
Les familles, les hameaux, les villages ou les villes s’implantent aux abords de cet axe pour exister. Des centres de vies fleurissent et perdurent, jusqu’à ce que la route elle-même soit déviée pour les éviter. En les quittant, la vie de ces lieux s’en va elle aussi, laissant les traces et les stigmates d’une vie passée, abandonnée.
Le tracé historique de la route nationale 10 rejoint Paris à l’Espagne. Chacun à une extrémité, ma sœur et moi nous sommes rejoints pour parcourir cet ancien tracé…
Ce projet est autant pour nous l’occasion de nous retrouver autour d’un sujet qui nous lie « le désuet », « l’abandonné », les traces du temps. Mais aussi et surtout de constater les conséquences concrètes que crée une déviation : le déclin de la ruralité.
Nous avons toujours été fascinés par les devantures de magasins et commerces. Sans doute est-ce lié au magasin de laine que tenait notre mère quand nous étions enfants : « Le loup et l’agneau ». C’est ainsi que nous avons photographié les devantures oubliées de la RN 10. De façon frontale, incluant la route et la partie haute du bâtiment, pour montrer ce qui est au-delà de la devanture.
Nous avons choisi de grouper ces photos en séries thématiques, sur leur aspect et de les accompagner d’un texte ou d’un poème, qui selon nous évoque ce que l’on y voit.
L’unique

« Ils sont innombrables ceux qui me ressemblent, et moi, cependant, je demeure unique. »
Vasyl Symonenko
Greffe
« L’art nouveau prend le monument où il le trouve, s’y incruste, se l’assimile, le développe à sa fantaisie et l’achève s’il peut. La chose s’accomplit sans trouble, sans effort, sans réaction, suivant une loi naturelle et tranquille. C’est une greffe qui survient, une sève qui circule, une végétation qui reprend. Certes, il y a matière à bien gros livres, et souvent histoire universelle de l’humanité, dans ces soudures successives de plusieurs arts à plusieurs hauteurs sur le même monument. L’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ; l’intelligence humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon. »
Victor Hugo
En cage
« Certains oiseaux ne sont pas faits pour être mis en cage, c’est tout. Leurs plumes sont trop colorées, leur chant trop libre et trop beau. Alors on les laisse partir, ou bien ils s’envolent quand on ouvre la cage pour les nourrir. Une part de vous, celle qui savait au départ qu’il était mal de les emprisonner, se réjouit, mais l’endroit où vous vivez se retrouve après son départ d’autant plus triste et vide. »
Stephen King
Épiderme
« Le temps est donc l’ennemi de la beauté. Mais il est l’allié du charme. Il patine les épidermes, les sculpte, les cisèle de mille et une entailles qui racontent toutes une histoire. Là, l’encoche du premier sourire. Ici, la fêlure du premier chagrin d’amour. À la commissure des lèvres, la cicatrice d’une moue trop souvent opposée aux coups du sort et aux maux pris sur soi. Autour des yeux, l’éventail des pattes d’oie, cadran solaire strié décomptant les moments de rire et de bonheur passés. »
Harold Cobert
Abandon / effondrement
« La nature ne résout pas les problèmes qui finissent par se poser : elle se débarrasse, dans sa splendide indifférence, de tout ce qui ne marche pas ; elle recommencera plus tard, car sa luxuriance sur une planète comme la Terre est une donnée. »
Paul Jorion
Double peau
« Parmi tous les mystères de la vie humaine, il en est un que j’ai pénétré : notre grand tourment dans l’existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu’à fuir cette solitude. Ceux-là, ces amoureux des bancs en plein air, cherchent, comme nous, comme toutes les créatures, à faire cesser leur isolement, rien que pendant une minute au moins ; mais ils demeurent, ils demeureront toujours seuls ; et nous aussi. On s’en aperçoit plus ou moins, voilà tout. »
Maupassant
Closes
« Nous croyons parfois avoir tout oublié, que la rouille et la poussière des ans ont désormais complètement détruit ce que nous avons un jour confié à leur voracité. Mais il suffit d’un son, d’une odeur, d’un contact furtif et inopiné pour que soudain, les alluvions du temps tombent sur nous sans compassion et que la mémoire s’illumine avec la brillance et la fureur de l’éclair. »
Julio Llamazares
Pour en savoir plus sur la RN 10 :
- Route Nationale 10 sur Wikipédia
- On est heureux Nationale 10 Site dédié à l’histoire de la RN10




































































